ehanne
gardait ses moutons à Domrémy,
petit village de Lorraine, quand selon la jolie légende
de son histoire officielle elle entendit les voix célestes
de Sainte-Catherine, Sainte-Marguerite, et Saint-Michel, lui ordonnant
d'aller sauver la France et de lever le siège d'Orléans.
Très
pieuse, la jeune Jehanne obéit à ses voix. Elle
alla trouver à Vaucouleurs,
le sire Robert de Baudricourt, capitaine
de la place et le convainquit après plusieurs tentatives
(il la prit, paraît-il, longtemps pour une douce illuminée)
de lui donner une escorte pour aller trouver le dauphin. Enfin,
il accepte, et elle arrive en la ville de Chinon
où séjournent à ce moment le dauphin et sa
cour. Nul ne croyait à l'histoire de cette paysanne que
personne ne connaissait, et, pour s'amuser aux dépens de
la bergère, un jeune baron prit la place du dauphin sur
le trône, pendant que ce dernier se mêlait à
ses propres courtisans. Or, Jehanne, qui n'a jamais vu le dauphin,
fendit la foule pour aller mettre un genou en terre juste devant
lui, sans hésiter. Intrigué, le jeune homme accepta
de l'écouter sans témoin, et ce qu'elle lui révèla
alors emporta sa conviction immédiate.
Quelle
est la nature de l'information qu'elle lui délivre en grand
secret ? Nul ne saura jamais mais cela doit avoir une grande importance
pour la France ou pour le dauphin car ce dernier, qui se moquait
d'elle quelques instants plus tôt, donne maintenant sans
plus tarder les ordres qu'elle souhaitait.
Elle
fait chercher spécialement une épée
gravée de cinq croix, qu'elle savait se trouver à
Sainte-Catherine de Fierbois, en Touraine, et se fait confectionner
une bannière par un artisan de Tours.
Le
dauphin lui confie une armée, avec des capitaines confirmés,
des guerriers endurcis et sans doute un peu misogynes, qui pourtant
la suivront et lui obéiront sans l'ombre d'une hésitation.
Certains noms resteront célèbres : Xaintrailles,
Dunois,
Gilles de
Rais, Chabannes,
et, déjà, un La Fayette
(Gilbert Matier de, maréchal de France), pour "bouter
les anglois".
Après
l'échec retentissant de la "journée
des harengs", attaque menée par les capitaines indisciplinés
quelques jours plus tôt, le moral de la ville est bien bas.
Jehanne va apporter un espoir tout neuf. Après avoir fait
entrer un convoi de vivres dans la ville assiégée
pour soulager la population affamée, Jehanne va donner
avec succès l'assaut aux assiégeants avec la prise
des Tourelles, fortification du pont sur la rive Sud du fleuve.
Elle y est blessée d'une flèche à l'épaule
mais remonte à l'assaut, enflammant l'enthousiasme de ses
soldats. Le 8 mai 1429 au soir, l'anglois est vaincu, il se retire,
il lève le siège. Orléans est libérée.
Sur
sa lancée, Jehanne va mener ses troupes "sus à l'anglais" :
Jargeau, Meung-sur-Loire,
Beaugency, Patay, elle vole de victoire en victoire.
Elle revient à Loches où le dauphin se faisait construire
un logis royal sur le surplomb qui domine la ville. Quand il la
voit, Charles "ôte son chapeau et l'embrasse en la saluant",
comme si elle faisait partie
de sa famille....
Elle presse celui-ci d'aller se faire sacrer à Reims. Il
hésite quelques temps et finit par se décider. Sous
la protection d'une armée de douze mille hommes menée
par Jehanne, étendard
en tête, Charles VII se fait
sacrer à Reims le 11 Juillet 1429.
Le
roi sacré, Jehanne reprend sa route ponctuée de
victoires, jusqu'à Compiègne. Là, elle est
faite prisonnière par traîtrise, par les bourguignons,
alliés des anglais, et qui la leur vendent.
Les
anglais, humiliés depuis trop longtemps d'être sans
cesse battus par une "pucelle", ne peuvent admettre qu'elle soit
"envoyée du ciel" et l'évêque Cauchon
leur complice mène son procès. Devant la résistance
de Jehanne qu'ils ne parviennent pas à briser (elle ne
tombe pas dans les pièges réthoriques de Cauchon),
ils la chargent de l'accusation de sorcellerie et on la fera périr
sur le bûcher comme hérétique et relapse (comme
cela avait été fait aux templiers un siècle
plus tôt), le 30 mai 1431 à Rouen.
Encore
une fois, un procès inique aura mis fin à un rêve,
pas un procès militaire ou politique, ce que l'on aurait
pu comprendre, mais un procès d'inquisition, où
l'on aura cherché avant tout à la déshonorer
(comme chaque fois que l'on veut détruire quelqu'un d'irréprochable).
Le jeu des accusateurs n'était pas évidemment de
rechercher une "vérité" quelconque à propos
de Jehanne, mais bel et bien de trouver une justification à
sa mort décrétée. La même église,
dont un représentant en la personne de l'évêque
Cauchon aura condamné Jehanne, trouvera le moyen de "réparer
cette erreur" quelques années plus tard et la réhabilitera
assez rapidement. Le comble de la lenteur, pour le moins, sera
atteint en la canonisant "Sainte-Jeanne d'Arc" cinq
siècles plus tard, quelques mois seulement après
la grande guerre mondiale (en 1920) et juste à propos pour
regonfler le moral des braves poilus de Verdun. Cinq siècles...
Mais
l'élan est donné, Charles VII a repris courage et
les anglais, devant le ressaisissement des français, vont
bientôt abandonner la partie. Cette guerre aura duré
cent ans. Oh certes, pas cent ans de violence permanente ou de
batailles incessantes, mais tout de même, cent ans de misère
et d'insécurité, cent ans de dépendance sous
le joug de soudards étrangers.
Dans
les siècles à venir, les Orléanais commémoreront,
le 8
mai de chaque année, la victoire de Jehanne à
Orléans .
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