III

MICY

hildéric, fils de Mérovée, meurt en 481. Son fils Clovis va asseoir la dynastie mérovingienne sur le trône de la Gaule francque et marquer son époque d'un sceau indélébile. Pour bien assurer son pouvoir, il commence par régler ses problèmes d'héritage de manière définitive en faisant tout simplement occire le roi du Mans, Rigomer, et le frère de celui-ci, Raghenaer, roi de Cambrai, tous deux de la famille mérovingienne, c'est-à-dire la sienne. Puis, en fin politique et à l'imitation de Constantin, il va se rallier le pouvoir spirituel : après la bataille de Soissons (486), où il bat Syagrius, dernier représentant de l'empire romain anéanti, et l'épisode célèbre du châtiment d'un de ses guerriers pour le bris d'un "vase de Soissons" appartenant à l'église de Reims, il épouse Clotilde, princesse chrétienne, en 493.

Pour la bataille de Tolbiac (496), il fait le vœu de se faire baptiser et d'adopter la religion chrétienne. Après être passé une première fois à Orléans, se rendant à Tours sur l'incitation de Rémy, évêque de Reims, qui lui a vanté l'efficacité miraculeuse de Saint-Martin, il peut annoncer sur le tombeau du saint sa volonté de conversion.

Tours, cité posée sur la frontière de Loire, et disputée par les Wisigoths installés en Gaule méridionale, change de mains plusieurs fois avant de rester définitivement aux Francs.

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Sous l'autorité de ce roi "barbare" l'église d'Orléans devient très puissante. À son profit et à celui de sa truste, Clovis confisque le territoire et en dispose généreusement en faveur de l'épiscopat et des institutions monastiques. L'évêché d'Orléans est mis en possession de « La Fauconnerie » une des tours de l'enceinte romaine, et à ce bénéfice est attaché un vaste domaine à l'extérieur de la ville.

Clovis fait également don à Euspicius, un religieux de sa suite, du territoire de MICY, situé dans l'embouchure entre Loire et Loiret, pour y fonder un monastère. Il y attache les bénéfices des domaines de Chaingy et de Ligny. La donation de Micy assure-t-on, outre le périmètre de ce territoire, comprend la propriété de la rivière du Loiret, sur toute la longueur où elle touche ce territoire jusqu'à l'embouchure sur la Loire, le droit exclusif de pêche dans la Loire et celui de prélever une mine de sel sur chaque bateau qui transporte cette denrée sur le fleuve, depuis Chaingy jusqu'à la rivière du Rollin.

Euspicius et son neveu Maximinus fondent à Micy une abbaye qui devient très vite une véritable pépinière de missionnaires et d'éducateurs pour la population. Elle a sans doute la plus importante bibliothèque de l'époque, et nous retrouverons bientôt quelques personnages marquants qui seront tous passés par ses bancs d'étude.

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Après sa victoire de Vouillé, près de Poitiers, sur les Wisigoths ariens, Clovis revient à Tours rendre grâces en la basilique martinienne qu'il comble de présents.

Lors d'une cérémonie énigmatique il revêt les insignes du "consulat" que lui a conféré l'empereur byzantin Anastase, et même la pourpre et le diadème accompagnant le titre d'Auguste. Autant dire que Clovis est reconnu de fait comme héritier de l'empire romain d'Occident.
Le pape lui adresse directement ses félicitations, l'empereur d'Orient lui ayant fait parvenir les siennes par Avitus, évangélisateur et descendant d'une vieille famille arverne, dont un autre membre (peut-être un de ses oncles) également nommé Avitus est à la même époque évêque de Genève. Genève où règne la famille de Clotilde.

C'est à Orléans que Clovis convoque en Juillet 511 le premier concile national des Gaules.
Cet événement marque les rapports entre l'état et l'église, d'une part, entre les classes dirigeantes et les populations, leurs droits et devoirs, les lois et coutumes, d'autre part.
L'alliance du trône et de l'autel est désormais scellée. De simple petit roi Franc, Clovis devient roi des Francs et héritier de l'empire des Gaules. De leur côté, les évêques gardent en charge l'administration des cités avec droit de justice sur leurs domaines.
Un encouragement est donné à Clovis lors de ce concile pour agrandir le royaume Franc à la partie méridionale de la Gaule, encore sous domination des Wisigoths de culte
arien. Laissons-le donc poursuivre son destin, et voyons ce qui se passe à Orléans.

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En quelques années, le monastère de Micy a acquis un rayonnement qui amène nombre de disciples à se joindre à la tâche que s'est fixée Maximinus, qu'on appellera bientôt Saint-Mesmin.
Il défriche, draine, remblaie, assainit, améliore et cultive ce morceau de terre qu'il a trouvé marécageux et qui maintenant est un modèle d'agriculture.
Il construit aussi : une abbatiale pour les moines, et des maisons et dépendances à côté qui deviendront le bourg de Saint-Mesmin, des moulins sur le Loiret pour moudre ses récoltes, et un hôtel-Dieu pour recevoir les malades, car le sud de la Loire à cette époque subit un climat malsain eût égard aux nombreux marécages.

Il semble que le travail fourni pour améliorer le terrain soit transposable aux âmes en friches et aux marécages de l'esprit de ses contemporains, expliquant sans nul doute la réputation de sainteté qui auréole Mesmin de son vivant.
On parle d'un dragon à l'haleine pestilentielle vivant dans la contrée, dans une grotte des rives de Loire, et que Mesmin combat (la vérité est sans doute plus dialectique que fantastique, car la grotte en question est un lieu de réunion druidique, où l'ancienne tradition subsiste clandestinement, et qui doit fort gêner le moine dans sa mission évangélique).
Ils en meurent tous deux : le dragon en 510 d'après la légende, Saint-Mesmin en 520, succombant jeune encore, à une fièvre lente.

Le corps du saint homme est inhumé dans la grotte du bord de Loire qui, disait-on, était le refuge du dragon, marquant ainsi la victoire définitive de l'Eglise sur le paganisme régional.

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Attiré lui-même par la réputation de Mesmin, Avitus, celui-là même qui avait transmis à Clovis le courrier de l'empereur d'orient, était entré à Micy puis l'avait quitté depuis quelques années, quand Mesmin meurt. Avec deux de ses compagnons moines, ils étaient allés chercher la paix en pleine Sologne, en un endroit appelé "tremble-vif", sans doute à cause des fièvres assez répandues dans cette zone marécageuse à cette époque. De ses deux compagnons, l'un se nommait Viator qui deviendra Saint-Viâtre, l'autre Laetus, qui deviendra Saint-Lié.

Les religieux du monastère recherchent Avitus, le retrouvent, et l'élisent comme abbé, ce que confirme l'évêque d'Orléans.Viator reste à tremble-vif où se créera un bourg qui portera son nom, Laetius va chercher la solitude en forêt d'Orléans, où plus tard naîtra le bourg de Saint-Lié.

Avitus administre durant une assez longue période le monastère de Micy, puis, repris par un extrême désir de solitude, il se retire dans une profonde forêt près de Châteaudun. Là, il se livre à la vie ascétique la plus rigoureuse et fonde un nouveau monastère qui prendra le nom de Moustier-Saint-Avit.
Après sa mort, les habitants de Châteaudun disputent à ceux d'Orléans le privilège de garder ses reliques. L'évêque d'Orléans tranche le dilemme en découpant le cadavre, accordant aux habitants de Châteaudun le bras et la main qui les avaient bénis, mais gardant son corps à Orléans. Celui-ci est inhumé en l'église dédiée à Saint-Georges mais qui prendra par la suite le nom de Saint-Avit .

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Vers cette époque (env. 590) vit, sur une terre limitrophe de Chaingy, (domaine dépendant de MICY dont nous avons déjà parlé), un homme nommé Agylus, vicomte d'Orléans.
Un esclave de cet homme s'étant enfui, Agylus lui fait la chasse. L'esclave se réfugie dans la grotte du dragon, sépulture de Saint-Mesmin, dans le domaine de Micy. Agylus et son cheval sont miraculeusement frappés d'immobilité en arrivant sur les terres du monastère et ne peuvent retrouver le mouvement que lorsqu'Agylus décide de renoncer à sa chasse.
Plus tard, il fera donation de ses domaines pour une part à Micy, pour une autre part à l'abbatiale de Saint-Aignan à Orléans. On l'appellera Saint-AY et son domaine gardera son nom. C'est maintenant un charmant petit bourg surplombant la Loire entre Orléans et Meung.

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Depuis la mort de Clovis en 511, ses fils légitimes Clodomir, Childebert et Clotaire, nés de Clotilde, ainsi que son aîné Théodoric (Thierry) né de sa précédente épouse francque rhénane, se sont livrés à une sanglante rivalité. Clodomir héritera pour un temps du royaume d'Orléans. Pour conclure, après de multiples coups fratricides, Clotaire réunit le pouvoir entre ses mains en 558, mais meurt à son tour en 561, laissant de nouveau plusieurs enfants qui s'entre-déchirent pendant deux générations, jusqu'à ce que son petit-fils Clotaire II réunisse le pouvoir à lui seul en 613.

Dans cette atmosphère de guerres incessantes et de luttes intestines qui s'étirent sur un siècle, on comprend que la civilisation ne paraisse pas avancer bien vite.
Pourtant, dans ces temps obscurs où les barbares le sont encore, d'autres hommes s'efforcent d'éclairer le chemin...

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