La France,
Pays des Lumières... éteintes ?
20 Avril 2006
La France est-elle encore le Pays des Lumières ?
On peut en douter lorsqu’on considère les derniers rebondissements de la laborieuse Loi DADvSI (Droit d’Auteur et Droits Voisins dans la Société de l’Information).
Déjà voté à l’Assemblée dans des conditions plus que douteuses quant à l’indépendance des députés face au lobbying des « majors », l’arrivée de ce texte devant le Sénat provoque une vague d’écoeurement et de dégoût du monde politique sans autre référence dans la courte histoire du monde virtuel.
Alors qu’il restait quelques optimistes, dont j’étais, pour penser que les sénateurs, moins menacés électoralement que les députés et siégeant dans une représentativité républicaine plus équilibrée que l’Assemblée Nationale, pourraient rejeter le texte du gouvernement…
Hélas ! Ca n’en prend pas le chemin.
Le sénatueur Thiollière, rapportueur de la Commission sénatoriale, a en effet annoncé plusieurs amendements qui vont au contraire dans le sens d’un durcissement très net du texte du Ministre.
La seule option libéralisatrice introduite dans le texte de l’Assemblée, concernant « l’interopérabilité », a pris du plomb dans l’aile à la suite des déclarations de la Société Apple menaçant de fermer ses activités de diffusion musicale en ligne en France.
Certes, cette « interopérabilité » était vouée à rencontrer une certaine incompatibilité technique avec les DRMs (Digital Right Management), mais tant qu’à choisir on aurait pu envisager la solution inverse, conserver l’interopérabilité et supprimer les DRMs ou, puisque nous ne pouvons pas en effet imposer notre loi française à une compagnie étrangère, au moins dépénaliser leur contournement. La solution envisagée par Thiollière n’est visiblement pas celle-là… Le Sénat préfère donc qu’une compagnie étrangère, si sympathique qu'elle soit par ailleurs, nous impose à nous sa loi à elle !
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Faire compliqué apporte de nombreux avantages pour un législateur :
Ca permet d’abord de masquer son incompétence personnelle à tous ceux qui ne connaissent pas mieux que vous le sujet, et c’est la grande majorité des français. C’est donc un atout sur le plan électoral.
Ca permet ensuite de constituer des « commissions » en faisant appel à des « spécialistes » choisis, sans en avoir l’air, non en fonction de leurs compétences, de leur objectivité et de leur impartialité, mais en fonction de leur sensibilité politique, voire économique, et donc de s’abriter derrière les décisions que cette « commission » prendra à votre place.
Ca permet enfin de ne pas prendre de risques inconsidérés par rapport à un secteur en crise, en évitant de chambouler les règles habituelles. En l’occurrence le château de cartes (biaisées) que constituent actuellement le Code de la Propriété Intellectuelle et ses modes de répartition. Cette prudence, élémentaire en matière politique, a au moins le grand avantage de ne pas vous faire passer pour un révolutionnaire aux yeux des principaux détenteurs d’intérêts impliqués dans le secteur concerné. En l’occurrence, les actionnaires des grands medias, dont un homme politique peut toujours avoir besoin…
Car le secteur de la Culture est en crise, Mesdames Messieurs ! Oui, oui, il est en crise… On ne s’en rendait pas compte n’est-ce pas ?
Avec toutes ces nouvelles stars qui envahissent nos écrans, on se disait que sans doute ces gens là ne sont jamais atteints par la « crise », la redoutable « crise » qui menace aujourd’hui notre monde culturel… Et là, difficile de faire des charrettes comme dans l’industrie classique ! On ne peut pas tout délocaliser. Il faut au moins que les vedettes parlent la même langue que les consommateurs de culture, même si l’anglais y prend chaque jour un peu plus de place… Même si les médias dépendants des capitaux de VIVENDI placent dans leurs programmes toujours les mêmes têtes, avec parfois quelques étrangers par-ci par-là pour égayer un peu… (mais des étrangers de chez Universal, il ne faut pas exagérer quand même !)
Par contre, quand il s’agit de donner aux français des informations sur ce qui se passe à l’Assemblée, les débats autour d’un projet âprement aussi discuté que le fut DADvSI et finalement voté dans les pires conditions jamais vues sous la Ve République, là, plus d’images ! Le CPE occupe tout l’espace télévisuel !... Bizarre, bizarre…
Une courte mais assez minutieuse recherche sur le net, effectuée par un internaute curieux, fait apparaître clairement que la plupart de nos médias (radios, TVs, et évidemment sociétés de productions) appartiennent en fait à de puissants groupes financiers étrangers, parfois en partenariat avec nos propres grands patrons français, parfois au travers d’eux ou de leurs groupes, selon le principe des poupées russes sauf que là, ce sont des fonds de pension américains ! Le moindre d’entre eux n’étant pas Carlyle, réputé pour être un sous-marin de la CIA Bushisante.
Cette configuration capitalistique mondiale amène à se poser quelques questions : l’objectivité existe-elle encore dans les médias français ?
Il fut un temps où les Lumières de la France éclairaient le Nouveau Monde... C'est la France qui lui a enseigné la Liberté et lui en a fait cadeau un siècle plus tard, flambeau inclus.
C'est clair ! Le Nouveau Monde l'a perdu, cet éclairage libertaire !
Mais la France des Lumières n’est-elle plus qu’un mythe, elle aussi ?Réfléchissons nous encore avec nos cerveaux, ou sommes-nous déjà trop aveuglés par les scintillements des paillettes et des strass hollywoodiens ?
Est-il déjà trop tard ?
Oui, si le Sénat français en est là, il est trop tard.
Allez ! Messieurs les Sénateurs, bonsoir. Le dernier à sortir éteint les Lumières ! Merci.
Ah ! Suis-je bête… Pas la peine ! Elles sont déjà éteintes !
Allez, malgré tout, paix sur la Terre aux hommes de bonne volonté !
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