l
y a quelques bons milliers de français installés
à cette époque sur les rives du Saint-Laurent et
dans la région des grands lacs américains, jusque
dans le bassin supérieur du Mississippi.
Parmi
eux, on relève toutes les variétés de population
; des prêtres, des moines, des gentilshommes, d'anciens
officiers, des marchands, des médecins, un notaire, un
procureur, des soldats, des maçons, des charpentiers, des
forgerons, et surtout des paysans : des paysans de Picardie, de
Normandie, de Saintonge, mais beaucoup aussi des pays de Loire;
du Poitou, du Perche, d'Anjou, de Touraine, d'Orléanais.
Indépendamment
des protestants refugiés, il est venu beaucoup de fervents
catholiques en ce nouveau monde pendant et après les guerres
de religion. La vie de pionnier a été dure, surtout
avec la guerre iroquoise entre 1647 et 1667. Les défricheurs
se battirent contre le froid, la forêt, la maladie, la crainte
permanente d'une attaque indienne s'accompagnant de l'incendie
de leur cabane ou du saccage de leurs cultures.
L'arrivée
du régiment de Carignan met fin
à la dernière menace, et les efforts de Colbert
et de l'intendant Talon ont fait passer,
en quelques mois, la population québecquoise de 4000 à
6300 colons.
En
1673, l'intendant Jean Talon lance à la découverte
du Mississippi le marchand Joliet, et un
missionnaire, le père Marquette.
Ils reviendront après avoir découvert l'Ohio, l'Illinois,
le Missouri, exploré le grand fleuve jusqu'à son
confluent avec l'Arkansas, et baptisé cette immense région
du joli nom de Louisiane.
Dix
ans plus tard, Cavelier de La Salle
descendra le Mississippi jusqu'au delta du golfe du Mexique et
en prendra possession "au nom du roy" Louis XIV (9 avril 1682).
Deux ans plus tard encore, Le Moyne d'Iberville
l'occupera et fondera la "Nouvelle-Orléans".
Ainsi,
chacune au bord d'un grand fleuve sauvage dont les débordements
sont terribles, deux villes portent le même nom. La première
capitale du royaume de France, et la première ville d'une
France américaine. Celle du vieux continent fut choisie
par CLOVIS Ier, celle du nouveau dédiée à
LOVIS le XIVème. Or, Clovis et Louis ne sont qu'un seul
et même prénom. L'Histoire vous a de ces ressemblances,
quelquefois !...
*
Lentement,
la colonie va se développer, cultivant du riz, du maïs,
du coton, du tabac, de l'indigo. Quand, près d'un demi-siècle
plus tard, la Compagnie des Indes rétrocédera la
Louisiane à la couronne, elle comptera près de 5000
âmes. De plus, cent ans avant les anglo-saxons, nos coureurs
des bois auront déjà reconnu les montagnes rocheuses
et signalé les voies d'eaux conduisant à l'Océan
Pacifique.
De
Saint-Louis du Missouri à Detroit, un chapelet de fortins
et de postes la réunira au Canada, enclavant les treize
colonies anglaises de la côte atlantique. Cette situation
accentuera la rivalité avec les anglais, qui ne pourront
supporter de laisser confiner dans leurs colonies côtières
le million de colons britanniques par les 40 000 français
de nos deux possessions.
D'une
série d'incidents entre les deux factions rivales, découlera,
en 1755, une véritable guerre maritime entre les bâtiments
français et anglais, les uns venant renforcer ou ravitailler
leurs colons, les autres les en empêchant en leur faisant
la chasse et en instaurant le blocus. Washington
et Braddock avec une armée de miliciens
tenteront de prendre le fort Duquesne à l'emplacement de
Pittsburgh, tandis que la flotte anglaise barre l'entrée
du Saint-Laurent. Pour cette fois, le coup ne réussira
pas, mais dans le même temps, une seconde armée anglaise
occupera l'Acadie où subsistent de nombreux catholiques
français. Dix mille acadiens seront arrachés de
leurs maisons, embarqués de force et déportés.
Ce sont eux qui seront plus tard connus sous le nom des Cajuns
de Louisiane.
Après
(seulement après) avoir capturé en Manche et dans
l'Atlantique plus de trois cent vaisseaux marchands, et fait prisonniers
plus de six mille marins français, l'Angleterre déclarera
la guerre à la France le 18 mai 1756.
Cette
année là, Moncalm débarquera
au Canada avec une troupe de 2000 hommes.
Il recevra bien un peu d'argent au cours des années suivantes,
mais trop peu de renforts en hommes, face au nombre des troupes
anglaises. Moncalm tient tête durant deux ans, mais les
ports français restent bloqués.
En
1758, les anglais envoient trente-six vaisseaux et vingt-trois
bataillons. Leurs soixante milles hommes marchent en trois colonnes
sur Québec, par le Saint Laurent, par le lac Champlain
et par l'Ohio. Après avoir écrasé la seconde
colonne à Fort Carillon, il faut abandonner aux anglais
le fort Frontenac, le fort Duquesne, et Louisbourg. L'année
suivante, Moncalm trouve la mort en défendant Québec,
qui tombera quand même. En 1760, Montréal tombe à
son tour.
La
situation est la même dans les autres parties du monde où
les intérêts français sont en conflit avec
ceux de l'Angleterre. Au traité de Paris, en 1763, la leçon
est sévère : presque toutes les possessions françaises
sont perdues, dont le Canada bien sûr, et la Louisiane qui
est donnée aux espagnols en compensation de la Floride
qu'eux-mêmes abandonnent à l'Angleterre. La France
conservera toutefois les Antilles.
Il
faudra attendre quinze ans pour revoir un drapeau français
flotter sur le continent américain, avec les régiments
d'un vendômois, Jean-Baptiste de Vimeur,
Marquis de Rochambeau,
commandant avec Marie-Joseph de La Fayette
les troupes françaises envoyées au secours des insurgés
américains.
Au
traité de Versailles de 1783, la France récupérera
la Louisiane que Bonaparte cédera
vingt ans plus tard, pour quinze pauvres millions de dollars,
et définitivement cette fois, aux États-Unis d'Amérique.
On peut souligner que la Louisianne dont nous parlons ici n'a
que peu de rapport avec la Louisiane d'aujourd'hui, car de cette
Louisiane vendue, qui s'étendait du golfe du Mexique à
travers les grandes plaines jusqu'aux solitudes canadiennes, l'Amérique
fera plusieurs de ses états actuels.
Mais
cette histoire là, désormais, n'est plus seulement
la nôtre ...
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